Selon la définition de la National Conference for Community and Justice, le privilège est « une immunité ou un avantage accordé à un groupe social ou dont jouit un groupe social, au-delà de l’avantage commun de tous les autres groupes ». Mais en quoi consiste réellement le « privilège »?
Il existe de nombreuses formes de privilège. La plupart des gens pensent au privilège des personnes blanches, au privilège des hommes et même au privilège des personnes physiquement aptes. Mais il existe de nombreuses formes de privilège auxquelles vous ne pensez peut-être pas. Par exemple, avez-vous accès à Internet haute vitesse? Selon le gouvernement fédéral, 6,5 % de la population, soit près de 2,5 millions de Canadiens, n’ont pas accès à Internet haute vitesse, qu’ils aient ou non les moyens de se le permettre. Compte tenu de notre dépendance à l’égard d’Internet, qui s’est encore accentuée avec la pandémie, l’accès Internet haute vitesse s’accompagne d’un niveau de privilège qui n’est pas à la portée de tout le monde.
Le privilège est souvent invisible pour les personnes qui en jouissent. Ce n’est pas quelque chose que l’on choisit. Il ne peut être donné, octroyé, attribué, acheté, volé, retiré, cédé ou abandonné. Ce n’est pas non plus quelque chose que l’on peut accomplir.
Les gens confondent souvent le privilège avec le fait de ne pas connaître de difficultés. Une personne peut être blanche et de sexe masculin et bénéficier du privilège lié à ces identités. Mais si cette même personne est homosexuelle et vit avec un handicap, elle peut être marginalisée en raison de ces identités. Une chose n’annule pas l’autre. Avoir un privilège ne signifie pas que l’on est universellement privilégié ni que l’on a une vie privilégiée.
Vous ne croyez pas en l’existence du privilège? Considérez ces chiffres :
- Une étude de la Commission ontarienne des droits de la personne, fondée sur les données du service de police de Toronto, a révélé que les personnes noires représentaient 32 % de toutes les accusations portées par la police de Toronto, qu’elles ne constituent que 8,8 % de la population de Toronto.
- En 2020, 25 % des femmes ont déclaré avoir été victimes de comportements sexualisés inappropriés au travail, contre 17 % des hommes.
- En 2022, le taux de chômage des personnes vivant avec un handicap était de 6,9 %, soit près du double de celui des personnes déclarant ne pas vivre avec un handicap (3,8 %).
Il ne s’agit là que de trois points de données qui montrent que le privilège existe, qu’on le veuille ou non. Le privilège ne rend pas une personne mauvaise ou bonne. Il existe, tout simplement.
Alors que beaucoup d’entre nous s’efforcent de créer une société plus inclusive, nous risquons de nous retrouver sur une pente glissante si nous dressons les identités les unes contre les autres. Des histoires non vérifiées font état d’écoles secondaires qui ont révoqué des prix décernés à d’anciens élèves, parce qu’ils considéraient ces prix comme un privilège des personnes blanches.
Que l’histoire soit vraie ou non, cet acte est si incroyablement dévalorisant qu’il en devient dangereux. Les élèves ont-ils gagné le prix en raison de leur race blanche? Non. Ont-ils bénéficié d’un avantage en raison de leur race blanche? Absolument. Mais cela ne diminue en rien leur réalisation. Le fait de retirer les prix n’aide pas les élèves qui n’ont pas ce privilège — en l’occurrence, les élèves de couleur. Un élève doit-il recevoir un prix parce qu’il n’a pas de privilège? Bien sûr que non, pas plus qu’une personne ne devrait recevoir un prix en raison de son privilège.
Ce qui importe, c’est que la société commence à s’attaquer au déséquilibre créé par le privilège et que chaque individu prenne conscience de son propre privilège et l’utilise au profit des autres. Considérez le privilège comme un superpouvoir. C’est quelque chose de spécial que chaque personne possède et qu’elle peut utiliser à l’avantage des autres, et qui permet à celles qui ont un privilège d’agir en faveur de celles qui n’en ont pas, afin de créer un meilleur équilibre.
Voici ce que vous pouvez faire pour tirer parti de votre privilège afin de créer une société plus inclusive :
- Assumez votre privilège. Il existe, que vous le vouliez ou non. Le fait de prétendre que l’on n’a pas de privilège à cause de la personne que l’on est ne fait pas disparaître ce privilège. L’important est d’avoir conscience de ce privilège et de s’efforcer de ne pas se comporter comme une personne privilégiée ou, du moins, d’utiliser ce privilège à l’avantage d’autrui.
- Informez-vous. N’imposez pas aux autres — comme les personnes 2ELGBTQI+, les personnes de couleur, les personnes en situation de handicap, etc. — le fardeau de vous informer. Ce n’est pas leur rôle. C’est à vous de chercher à vous informer. Recherchez des outils qui vous aideront à mieux comprendre votre privilège et à devenir un allié actif des autres.
- Libérez-vous de la culpabilité. La culpabilité est une émotion inutile. Elle n’aide ni la personne qui se sent coupable ni la personne qui a été lésée. Si vous vous sentez coupable parce que vous avez un privilège, cette culpabilité ne vous aidera pas. Libérez-vous-en.
- Agissez. Impliquez-vous et activez-vous. S’il est bon d’avoir des « alliés », il est essentiel que ces personnes s’impliquent activement dans l’amélioration de la situation. Comment pouvez-vous tirer parti de votre privilège au profit des autres? Que pouvez-vous faire pour changer les choses?
La question n’est pas « Le privilège existe-t-il? » ou « Ai-je un privilège? ». Vous pouvez jouir d’un privilège à certains égards et subir une marginalisation à d’autres. La question qu’il faut se poser est de savoir ce que vous allez faire pour tirer parti de votre privilège au profit des autres afin de créer des sociétés inclusives où tout le monde peut réussir, quel que soit son privilège.
Michael Bach est auteur et conférencier, leader éclairé sur les questions d’inclusion, de diversité, d’équité et d’accessibilité, et consultant en matière d’IDEA pour ConstruForce Canada.
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